Frédérique Dessemond

Enfant de la cité radieuse de Marseille, Frédérique Dessemond aime à détourner les objets industriels pour en faire des bijoux. Fortement inspirée par le Corbusier et ses lignes géométriques pures, Frédérique crée Ginette NY en 2002 et devient le chef de file de la nouvelle joaillerie. Cette entrepreneuse marseillaise qui a gagné sa green card à la loterie vit désormais un rêve américain avec ses deux petites filles, Ella et Mia, à New-York.
Comment est né Ginette NY ?
Tout a commencé en 2002 à New York, complètement par hasard, presque en même temps que la naissance de ma fille, Ella. Une amie, alors responsable d’une boutique de bijoux pour les magasins Calypso aimait beaucoup mon travail et m’a proposé de lui faire un bijou, je me suis dit « après tout pourquoi pas … ». Ma première création était une médaille percée, gravée et personnalisable. Puis elle m’a demandé de lui proposer d’autres choses pour l’accompagner. Alors, j’ai étoffé mon travail avec d’autres modèles. Ensuite, il y a eu le premier salon à New York, puis Barneys et les parutions dans W magazine. Tout d’un coup, j’ai commencé à prendre de plus en plus de commandes. Je voulais des bijoux en or, une collection accessible, pour tous les jours mais sans être ni fantaisie, ni joaillerie, d’où les chaînes fines, pas trop ostentatoires, qui ne donnent pas l’impression de porter une fortune sur soi. Je ne souhaitais pas que les bijoux soient saisonniers, éphémères mais qu’ils soient intemporels. J’ai travaillé ces collections avec beaucoup de conviction et j’avais pour volonté de partager mes émotions. A New York, j’étais souvent à l’arrière-boutique, et j’entendais les commentaires des clientes. Ce qui ressortait le plus c’était l’attachement aux bijoux : « Quand j’oublie de le porter j’ai l’impression d’être toute nue » ou « les bijoux font partie de moi … ». C’est comme un talisman, on le touche tout le temps, on joue avec. J’ai choisi de travailler sur le calendrier de la mode donc je sors deux collections : automne-hiver et printemps-été, plus une autre où je revisite les icônes avec un pavage diamant. Coté boutique, l’idée était de créer un espace moins intimidant qu’une bijouterie traditionnelle, un « jewellery bar », à la fois intime et complètement relax. Normalement, on va ouvrir une deuxième boutique à Paris, Rive Droite, avec un concept décliné, une nouvelle expérience retail, l’univers de Ginette NY, des nouveaux visuels, un film… Le story telling représente 50% de mon travail. Je n’ai jamais approché stratégiquement le marketing mais clairement cela fait partie de l’histoire.
Quel est votre processus de création ?
Il y a toujours une collection or. En général, il y a aussi une collection pierrée en couleur, une collection céramique et une collection diamant. Depuis le début, j’utilise toujours le même procédé : un « jumbo », un medium et un mini. Le « jumbo » c’est la pièce maitresse, le point de départ. Par exemple, il y a eu le scarabée cet hiver. Puis, je le décline, car le prix d’une pièce en or de cette taille-là n’est pas forcément très abordable. Le « jumbo » sert à donner l’occasion visuellement de pouvoir appréhender la collection, de donner un rythme. Et selon ses envies, son style, ses moyens, on va se diriger sur un moyen ou un mini. Pour notre expo itinérante, j’ai ressorti tous les « jumbos » depuis le début. En ce moment elle est dans notre boutique rue des Saint-Père à Paris de façon permanente. Elle a aussi été à Vienne, chez Smet au Luxembourg ou encore en Asie chez Takashimaya. Ce que j’aime c’est que d’une saison à l’autre les nouveautés ne se cannibalisent pas avec les pièces de la saison passée. Pour la collection suivante, il y aura peut-être plus de graphisme, ça sera plus chargé. On pourrait presque dire que c’est stratégique, pour une meilleure compréhension, pour ne pas se lasser. C’est presque comme une partition de musique, comme lorsque l’on a fait la campagne avec Agiba sur la danse, avec le scarabée justement, « Life is a dance ». La vie est une danse en fait, et là c’est pareil : ça bouge.
D’origine marseillaise, vous vivez maintenant à New York, vous considérez-vous comme une américaine désormais ?
Je suis américaine ! En fait je suis née à Marseille, et je suis partie à New York en 2000. Ça fait maintenant 17 ans que j’ai la nationalité américaine. J’y allais beaucoup pendant mes études, je faisais de l’histoire de l’art et je voyais souvent des expositions dans des musées. Tout va vite là-bas, mais quand on arrive à prendre les bonnes énergies et que l’on est assez structuré, on peut arriver à construire des choses aux Etats-Unis. Les entrepreneurs peuvent exister, contrairement à la France. Ici, il y a beaucoup de taxes, beaucoup de contraintes, à New York c’est ouvert à tout le monde : on ne va pas juger, mais il ne faut pas se louper ! J’ai eu l’opportunité de partir pour assister une amie qui attendait un enfant, et à ce moment-là je me suis dit : « Je connais la ville, je sais que ça va me plaire, je vais commencer à faire des projets, je vais participer à la loterie pour obtenir une carte verte, si je la gagne ce sera le destin » Et je l’ai gagnée ! La vie a fait que les choses se sont passées comme ça. Le plus dur aux États-Unis c’est d’avoir un visa, de pouvoir rester légalement, tout le monde le sait… du coup le problème ne se posait plus, et je suis restée.
Avez-vous des projets de partenariats ou de collaborations ?
J’ai fait une collab en maroquinerie avec la maison Guibert. J’avais déjà sorti une ligne de sacs avec de très beaux cuirs d’Argentine, mais les finitions n’étaient pas parfaites. J’ai donc arrêté, car quand on fait des bijoux on ne peut pas vendre de sacs imparfaits. Puis j’ai rencontré Pierre Guibert, un sellier. Ce que j’aime dans l’équitation c’est cette rigueur, à laquelle j’ai amené un peu de fantaisie, de couleur. Pierre, c’est quelqu’un de très structuré et qui a une ouverture d’esprit incroyable, du coup, notre projet s’est fait assez naturellement ! Ce qui me plait chez Guibert c’est ce savoir-faire, et ce malgré milles contraintes liées au monde de l’équitation. J’ai travaillé avec beaucoup de liberté. Pour la première collection nous sommes partis sur le doré donc j’ai fait une selle dorée, une cravache dorée… J’ai pu m’exprimer à fond ! Par exemple cet hiver c’était du zèbre …
Son sigle graphique c’est le quater marker, ce qu’on met sur les fesses du cheval. Lui, il l’a décliné en tout petit sur des cravates, de mon côté, j’ai repris le pochoir, je l’ai mis directement sur les sacs. Je n’aime pas les one shot, pour moi une collaboration se doit d’être authentique. J’ai également fait de la direction artistique pour la maison Guibert à la demande de pierre. Outre la collection de maroquinerie et les designs, nous avons fait un catalogue, shooté à Versailles dans les écuries avec une danseuse de Bartabas et nous avons réalisé un film. On adore raconter des histoires, mettre de la belle musique, des belles images, c’est ça le story telling.
Je travaille d’abord sur la marque plutôt que sur les produits. Les deux sont importants. Par exemple, la photo de campagne de l’hivers prochain, est une photo en pied, c’est avant tout un regard, une expression, un lampadaire enneigé. C’est complètement surréaliste, et c’est ce qu’on reçoit comme émotion, et c’est ce qui fait qu’on va s’intéresser au produit. C’est une vraie expérience. J’ai vraiment besoin de garder ce fil conducteur qui me permet de ne pas m’ennuyer. Je passe de l’art à la danse à un univers complétement surréaliste, pour moi c’est très enrichissant. C’est un nouveau souffle, une nouvelle histoire à chaque fois, je n’ai pas l’impression de me répéter à l’infini.
1.Ever malachite square studs, Ginette NY, 395 €
2.Ever tiger disc ring, Ginette NY, 600 €
3.Diamond ever square ring, Ginette NY, 1 350 €
4.Ever malachite disc ring, Ginette NY, 600 €
5.Ever tiger eye rectangle ring, Ginette NY, 670 €
6.Diamond and malachite ever charm necklace, Ginette NY, 1 090 €
7.Mini diamond ever studs ,Ginette NY, 735 €