Le tabou de l’endométriose

L’endométriose : Personne n’en parle. Ni celles qui en souffrent. Ni les médecins. Pourtant cette maladie est la première cause d’infertilité dans le monde et touche plus d’une femme sur dix.
Aujourd’hui, la rédaction se met à nu. Au départ, j’étais réticente à l’idée de parler de moi, car c’est très intime. Mais quand une maladie n’existe pas socialement, les médecins ne sont pas formés, les chercheurs ne sont pas financés, les laboratoires ne cherchent pas de traitement. Je n’en ai jamais parlé sur les réseaux sociaux. On est déjà assez stigmatisée en tant que femme, je refuse d’être réduite à ça. Mais on me dit tellement « c’est fou ce que tu es féminine », alors que je souffre dans mon corps et que je n’arrive pas à me reconnaître dans cette image, que j’ai décidé d’en parler. À 39 ans, après avoir été stimulée hormonalement pour tomber enceinte, après une année de simulation de ménopause qui m’a détruite, j’ai décidé de faire autrement. J’ai arrêté tous les traitements, j’ai changé d’alimentation, je me suis mise à pratiquer des sports doux en complément de la course à pied (Yoga, Pilates, étirements) à me faire masser. Mon corps avait été tellement agressé qu’il fallait que je l’écoute. J’ai un métier d’image, où l’on doit tout le temps sourire, être disponible, avoir un beau corps, une énergie positive. J’ai raté des contrats parce que j’étais au fond de mon lit. Trois jours après une opération, j’ai reçu un mail d’un attaché de presse me disant qu’Adèle était de passage à Paris et qu’elle était d’accord pour me rencontrer pour une interview. Je ne pouvais pas marcher, mais j’ai répondu : « Bien sûr ! » J’ai essayé d’expliquer à l’équipe que j’avais eu comme une opération de l’appendicite. J’ai expliqué à Adèle que j’étais atteinte d’endométriose et on est passées d’une discussion chiffons à une discussion autour des règles. On a rigolé, elle m’a même apporté un verre d’eau ! J’ai décidé de ne pas faire de l’endométriose un ennemi. Je ne le prends pas de façon positive, mais je deale avec. Il n’y a pas de pilule miracle. Je n’ai pas le choix. J’avais envie d’écrire sur cette maladie, jusque-là silencieuse, voire honteuse. Un article à découvrir pour s’informer ou seulement pour comprendre ce que vit aujourd’hui 1 femme sur 10 !
La pudeur, voire la gêne, qui entoure le sujet tient au tabou des règles, toujours pas levé. Les femmes se passent encore des tampons sous le manteau comme si c’étaient des sachets de drogue. Elles ont du mal à en parler parce que ça touche à l’intime. Il faut sortir cette maladie de l’indifférence… On ne doit plus souffrir en silence. Il existe une quantité infinie de nuances dans la maladie. Pour beaucoup, ce sont des crampes paralysantes semblables à celles de la grossesse quand elles ont leurs règles, chaque mois, pour d’autres, c’est une douleur quasi-constante qu’elles doivent affronter chaque jour. C’est la vie professionnelle qui est impactée. Puis vient la question de la maternité, souvent épineuse. La vie amoureuse est elle aussi ébranlée. C’est une maladie de couple. Trop de femmes ont souffert pendant trop longtemps. Le tabou autour de l’endométriose se dissipe, les femmes doivent être réellement entendues et prise en charge officiellement.
Il est incroyable qu’une maladie qui touche plus d’une femme sur dix soit aussi méconnue
Beaucoup de femmes souffrant de cette maladie ont mal au ventre dès leurs premières règles, au collège. Certaines au point de ne pouvoir se concentrer, d’être dispensées d’EPS ou de rater les cours. On leur répond que c’est normal d’avoir mal, qu’elles sont de « petite nature », que c’est psychologique. Or, les règles, c’est naturel, pas la douleur. Il faut casser les stéréotypes sur la douleur que devraient encaisser les femmes, juste parce qu’elles sont femmes. Quand avoir ses règles empêche de se lever, d’aller au bureau ou en soirée, ce n’est pas normal. Avoir ses règles peut être un peu douloureux dans la vie d’une femme, mais dès que ça devient un handicap, c’est un problème qu’il faut traiter. Cela peut être le premier symptôme de l’endométriose.
Le temps de diagnostic est de sept ans et demi en moyenne
Il s’écoule en moyenne sept ans entre les premiers signes et la prise en charge. Pendant ce temps, la maladie progresse et entraîne des troubles irréversibles difficiles à traiter. C’est aussi la première cause d’infertilité. Il est primordial d’informer les plus jeunes. L’urgence, c’est de mettre en oeuvre une formation plus adaptée des gynécologues et autres spécialistes ainsi que des médecins généralistes pour pouvoir réduire le délai de diagnostic et permettre une meilleure prise en charge.
L’endométriose est une maladie encore mal connue, même des médecins
Avoir de l’Endométriose, c’est vivre avec une maladie sans cause ni traitement. Les causes de l’endométriose n’étant pas encore totalement identifiées, il est difficile de mettre en place un traitement efficace. De nombreux médecins semblent penser que la maladie est génétique. L’endométriose ne se soigne pas. On peut seulement en atténuer les effets ou en limiter la progression. Le seul traitement médicamenteux est la prise d’anti-inflammatoires non-stéroïdiens (comme le paracétamol). Cela soulage rarement la douleur chez les patientes les plus atteintes sans pour autant traiter les causes de la maladie. La contraception peut également aider à atténuer les lésions dans l’utérus. Les gynécologues conseillent aussi de prendre une pilule contraceptive en continu pour créer une aménorrhée (la suppression des règles). Ce médicament provoque une ménopause artificielle. Il amène malheureusement des effets secondaires très gênants (diminution de la libido, bouffée de chaleur, sauts d’humeur, ostéoporose…). Enfin, il ne peut être prescrit plus d’un an. La chirurgie : pour retirer médicalement les tissus endométriaux. Le taux de récidive est malheureusement élevé. Plus radical, pour les femmes ne désirant plus avoir d’enfants, les médecins proposent une hystérectomie ou une ovariectomie permettant de résoudre le problème.
L’endométriose est la première cause d’infertilité
On a souvent résumé le choix des femmes de congeler leurs ovocytes par des considérations professionnelles : l’envie de faire passer leur carrière au premier plan et de repousser le moment de faire des enfants. Au contraire, ce sont les considérations qu’ont les femmes pour leur vie privée et amoureuse qui les motivent.
Préservez votre fertilité maintenant pour être mère dans un futur
Il faut encourager les femmes qui ont des problèmes de santé ou de fertilité (endométriose, syndrome des ovaires polykystiques, trompes utérines bouchées, risque de ménopause prématurée…) à conserver leurs ovocytes afin de maximiser leurs chances de tomber enceinte un jour. Car à partir de 35 ans, les chances de tomber enceinte de façon naturelle chutent.
La bioéthique a encore du chemin à faire
En France, l’auto-conservation ovarienne n’est possible depuis 2011 que pour les femmes dont la fertilité est menacée par des raisons médicales (cancer, endométriose) et pour celles qui acceptent de faire un don d’ovocytes (sur la quantité d’ovules prélevée, une petite partie peut être auto-conservée). C’est donc à l’étranger, principalement en Espagne, que les Françaises se rendent pour faire prélever leurs gamètes et les vitrifier dans de l’azote liquide (la clinique Eugin à Madrid l’a déjà fait pour plus de 500 d’entre elles). Coût d’un tel procédé : environ 2 500 € pour cinq ans de conservation. Certains médecins jugent cette loi obsolète et souhaitent que cette technique puisse être accessible à toutes. Un débat qui occupe les états généraux de la bioéthique, dont un projet de loi sera finalisé « à l’été 2018 » pour un dépôt au Parlement « à l’automne » en vue d’une adoption d’une nouvelle loi « dans le courant du premier semestre 2019 ».
L’endométriose implique une réorganisation de sa vie
A un stade avancé, elle peut même être handicapante au quotidien. Toute la vie des femmes est dictée par l’agenda des règles et de la douleur, cela s’accompagne d’une monstrueuse fatigue, la souffrance s’invite partout et la vie professionnelle est impactée. L’endométriose, parce qu’elle empêche d’avoir une vie normale, est une maladie sociale. Ce n’est pas une maladie mortelle, mais c’est une maladie qui peut être grave, qui n’est pas rare, et qui est complètement ignorée alors qu’elle est une des premières causes d’infertilité.