Hollysiz
by Mllemag

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Crédits : Dimitri Coste
À 35 ans, Cécile Cassel présentera sous le pseudonyme de HollySiz son deuxième album en live à l’Olympia le 1er juin 2018. Après un disque d’or, une tournée en France et des festivals en Angleterre, la songwriter parisienne revient avec un nouvel opus : Rather Than Talking. Il y est question de voyages, de blessures et de femmes libres. Itinéraire d’une chanteuse de son temps.
Onze titres (plus deux bonus) écrit en anglais, lors d’un long voyage aux Etats-Unis, entre la Californie et New-York. Quel a été votre cheminement, comment cet album s’est-il réalisé ? Comment avez-vous vécu cette période ?
C’est un long cheminement, prêt de 3 ans et demi de travail, de gestation, j’ai le souvenir d’être déjà en train de composer ce qui sera Rather than Talking le single, les derniers jours de studio du premier album. J’ai eu envie et je pense que c’est pour ça que j’ai voyagé, de retrouver la candeur qu’on a quand on écrit un premier album, c’est-à-dire qu’on l’écrit, sans jamais se poser la question de savoir si quelqu’un l’entendra un jour, donc on l’écrit pour soit et on a pas de point comparatif. Il s’est écoulé presque 10 ans entre le moment où j’ai commencé à écrire le premier album et la fin du deuxième. Un temps nécessaire pour revenir en ayant vraiment des choses à dire et surtout en essayant de faire une proposition plus juste et plus en accord avec mon évolution.
Même la scène, cela vous change beaucoup, ne serait-ce que l’instrument qu’est la voix qu’on utilise différemment en studio.
Au départ, je suis partie en Californie, parce que j’ai beaucoup d’amis qui habitent là-bas. J’ai toujours eu une espère de rapport très étrange avec la ville de Los Angeles une espèce d’amour-haine. C’est un endroit que j’ai détesté la première fois que j’y suis allée, et en même temps, je me suis toujours sentie obligée d’y retourner. Je me suis dit ; il y a une forme d’ennui là-bas qui va me nourrir, donc je suis partie. Je me suis retrouvée avec Yodelice, mon vieux partenaire de jeu qui connaît très bien la Californie et qui me l’a fait découvrir un petit peu différemment. Et quand je suis repassée par New York, je ne l’ai plus quittée, parce que c’est vraiment chez moi New-York, c’est une enclave universelle au niveau d’un pays qui l’est beaucoup moins. Je pensais y rester un mois, j’y ai passé un an, ce qui était prévisible. C’était un vieux rêve que j’avais d’y habiter. Je suis rentrée en France au départ pour faire mes papiers et repartir puis, à un moment, j’ai été rattrapé par la réalité de ma vie, qui est ici. Trump n’avait pas été élu encore, mais cela aurait changé beaucoup de choses dans mon envie aussi d’y vivre, obligatoirement.

Crédits : Dimitri Coste
Loin de Paris, à New-York, vous avez fait une rencontre, celle de Luke Jenner guitariste de The Rapture, avec lui vous avez écrit un morceau à 4 mains, pouvez-vous nous en parler ?
J’ai rencontré Luc à Paris, mais au final, c’est à New-York, que l’on est vraiment devenu ami. La personne qui nous avait présenté, qui n’est autre que ma meilleure amie, n’arrêtait pas de me dire : « Mais appelle-le, c’est ridicule, tu es à New-York, tu es en train d’écrire un l’album, tu as un mec qui est un musicien extraordinaire, ça ne veut pas dire que vous allez travailler ensemble, mais lui va pouvoir, ne serait-ce que lire ce que tu es en train d’écrire en ce moment, avoir un oeil dessus. » On c’est beaucoup vu, au départ sans parler du tout de musique, mais en parlant de beaucoup d’autres choses. C’est quelqu’un de très spirituel, on a énormément échangé de livres sur la psychanalyse, parler de philosophie, de voyage… Et puis, au fur à mesure, on a commencé à parler de musique et de ce que l’on avait traversé chacun de notre côté, à titre personnel, ce que cela nous apporte, quelles sont les concessions que l’on fait. De file en aiguille, il m’a fait venir à son studio, fait écouter ce que lui était en train de faire à ce moment là, et puis je lui ai fait écouter ce que moi, j’étais en train de composer aussi. Finalement, il m’a proposé au départ de lire mes textes, et de m’aider à remettre en forme certaines choses et un jour, il m’a dit:
C’est drôle je pensais à toi ce matin, il y a ces deux notes qui reviennent dans ma tête tout le temps, tu veux pas qu’on improvise dessus, on enregistre et on voit ?
Une mélodie est née de ces accords-là, lui a commencé à écrire un texte assez spontanément et l’opus est devenu I will qui est un titre au centre de l’album, qu’on a en fait, au final, écrit entièrement parole et musique à deux et sur lequel il chante d’ailleurs, les choeurs d’hommes qu’on entend, c’est lui.

Crédits : Dimitri Coste
Yodelice et Xavier Caux, sont les deux réalisateurs de ce deuxième album, comment avez-vous travaillé ?
On avait réalisé le premier album tous les trois, puis on est parti à droite, à gauche faire nos vies. Avant de me remettre à travailler avec eux, j’ai travaillé avec d’autres réalisateurs d’album. J’ai fait des maquettes avec d’autres gens, je n’arrivais pas à trouver le son que je voulais. Ils étaient tous hyper intéressants, ce n’est pas eux qui me proposaient quelque chose qui n’allait pas, c’est moi, qui ne savais pas encore ce que je voulais, donc, je n’étais jamais satisfaite. Je les ai rappelés, on a fait quelques maquettes, on est très ami, c’est toujours un plaisir de faire de la musique ensemble. Dès la première maquette, je me suis dis c’était le son que je voulais et puis à force de tourner autour du pot, j’ai dit « Bon franchement, on ne change pas une équipe qui gagne ! » Il s’était passé presque 5 ans entre le moment où l’on avait écrit le premier album et celui-là, on avait évolué. Xavier avait monté un groupe de son côté, réalisé pour d’autres personnes, et Yodelice autant réalisé pour Jain que pour Johnny Hallyday donc c’est quand même très large.
Est-ce qu’on allait se retrouver sur les mêmes envies ?
On c’est rendu compte qu’à ce moment-là, on re-écoutait tous les trois des albums qui avaient été fondateurs pour nous, étant plus jeunes. Les albums de Neptunes, quand Pharel était encore producteur, Les Fugees, Portishead, beaucoup de trucs qui nous avaient marqué, parce qu’on est finalement à peu de chose prêt de la même génération et que c’était ce son là qu’on avait envie de dynamiser, ou en tout cas de s’approprier, à la sauce d’aujourd’hui.
Dans le clip « Fox », le premier extrait de votre album, vous livrez une vraie performance physique. À quand remonte votre passion pour la danse ? Et au quotidien comment la vivez-vous ?
oh la la, merci ! Du plus loin, que je me souvienne, je crois que j’ai des photos de moi en train de danser en marchant à peine ! La danse a toujours fait partie de ma vie, je voulais être ballerine et j’ai pris cela très à coeur. J’ai pris beaucoup, beaucoup, beaucoup de cours dans ma vie de danse classique pendant très longtemps, puis de jazz, j’ai fait absolument toutes les danses possibles et inimaginables. Cela a vraiment toujours été ma première passion, et même encore aujourd’hui. Quand j’étais à New-York, j’ai passé beaucoup de temps dans les écoles de danses de nouveau, alors qu’en ce moment mon quotidien est fait de beaucoup trop d’interview sur les canapés (rire) et donc je n’ai pas l’occasion de danser à part quand c’est pour un clip. Cela me manque énormément et je pâlis à ça en faisant pas mal de pilates, cela entretien le corps à peu prêt de la même manière que la barre au sol mais c’est quand même pas pareil ! Ca me ferait vraiment du bien de me défouler sur un dancefloor, mais avec mes horaires, c’est injouable !
Vous êtes révoltée dans le clip « Rather than talking », la vidéo a été réalisée par Thibault Desmoulins, pouvez-vous nous parler du tournage et de cette collaboration ?
Pour la première fois, j’ai fait, ce que l’on appelle une compétition avec quelques boites de production de clip à qui j’ai envoyé le titre, les paroles et un petit synopsis avec un brief. Le premier dossier que j’ai reçu est celui que j’ai retenu parce qu’il répondait exactement à ce que je voulais. Je trouvais intéressante la manière dont Thibaut Desmoulins avait entendu la chanson. Il s’avère que nous avons une passion commune pour le pays basque, on a donc pu se voir là-bas souvent et définir ce qu’on allait raconter à travers ce clip. On a tourné en Ukraine vraiment pour des raisons de décor, pas du tout pour des raisons politiques. On a fait le casting là-bas, les visages des femmes qu’on voulait étaient tous réunis à cet endroit. Excepté, l’héroïne du clip qui est une danseuse française. Coline est arrivée avec ce visage purement angélique, si doux. Dans le clip, on lui laisse très peu de place pour s’exprimer alors que c’est une magnifique danseuse, mais elle avait quelque chose d’assez évident pour nous. Cela a été une très, très, très, très longue journée de tournage et la neige un cadeau imprévu !
Vous avez écrit la chanson « Unlimited » pour rappeler les acquis des femmes, pouvez-vous nous en parler et en tant qu’artiste, vous sentez vous militante ?
En terminant les textes de l’album en janvier, il y a un an, j’ai pris conscience que nous étions à un moment charnière de l’histoire : il y a eu l’investiture de Donald Trump et ses déclarations éloquentes comme « Grab them by the pussy » (« Attrapez les femmes par le sexe »), la Women’s March à laquelle j’ai participé…Dans le même temps, en Pologne ,les femmes manifestaient parce qu’on remettait en cause l’avortement et, comme si le monde était devenu fou, on se reposait la question en Espagne, au Portugal et même en France… J’ai repensé à Simone de Beauvoir disant :
Il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant.
J’ai eu envie d’écrire la chanson Unlimited pour rappeler nos acquis. Le slogan My body, my choice (Mon corps, mon choix) a aujourd’hui une résonance encore plus forte. On assiste à une libération de la parole chez les femmes : elles disent ce que nous devions taire. En tant qu’artiste, je me sens obligée d’être militante.

Crédits : Dimitri Coste