Jean-Charles de Castelbajac

« Si on vous dit iconoclaste, innovateur, créateur, avant gardiste, vous pensez à qui ? Depuis 40 ans, Jean Charles de Castelbajac célèbre le mariage de ses deux passions : la mode et l’art. Il joue avec les couleurs, la nouveauté, la transgression, les rencontres et s’inscrit aussi bien comme l’un des plus grands noms de la mode qu’un incontournable plasticien. Créateur au trait singulier, une mode arty. Rencontre.
Comment travaillez-vous et comment conceptualisez-vous la création d’une collection ?
La première chose, c’est l’histoire, c’est d’abord aller chercher les racines d’une marque. Ce qui me passionne, c’est l’arbre généalogique des maisons. Comment ont-elles été fondées ? Quel est leur trésor ADN ? Quelles sont les techniques qu’elles développent ? Les matières qu’elles utilisent ? C’est ma première quête. Pour Petit Bateau, par exemple, la première chose que j’ai demandé, c’est de revoir tous les typicos, toutes les côtes une et une, les côtes deux et deux, de revoir les petits boutons des grenouillères des enfants… C’est ce qui a marqué mon subconscient et qui m’a intéressé. C’est comme une sorte d’archéologie corporelle. Ensuite, il y a l’époque chromatique de Petit Bateau. Immédiatement, c’est le jaune du ciré: ça me ramène à Port Navalo, à la vraie rayure de marin, au pompon rouge. En Bretagne, on dit que toucher un pompon de marin, ça porte bonheur. Tout ça compose déjà mon disque dur, avec en plus les données que j’ai sur la rencontre entre la fonction et l’esthétisme, c’est une première inspiration. Je raconte une histoire, de la même manière que je le ferais à mes enfants. Le déroulé est assez simple en soi.
Quel regard portez-vous sur la marque Petit Bateau ? Vous êtes créateur de mode mais aussi artiste, quelle est la place du dessin dans votre vie ?
Petit Bateau, est une maison qui, selon moi, correspond à la définition de ce que devrait être le luxe. Je crois que le luxe est dépassé aujourd’hui. Il est lié à un savoir-faire, mais chez Petit Bateau, il y a le luxe d’une histoire familiale qui est encore incarné. Ils ont des boutiques qui ressemblent, à chaque fois que j’y vais, à des territoires, des no man’s land avec encore des valeurs sur des choses un peu désuètes comme la famille, comme la relation parents-enfants. Après, il y a une histoire humaine, c’est à dire qu’avec Petit Bateau, on s’est rencontré très souvent avec les équipes, il y a eu une vraie générosité des deux côtés, il y a eu un vrai challenge.
Il est vrai que le dessin, c’est comme ma respiration, mon inspiration passe par le dessin. Dès que j’ai une idée, même quand on me demande de signer un autographe, je ne signe pas d’autographe, je fais un petit dessin. C’est un don, mais c’est quelque chose que j’ai beaucoup travaillé. Je repense à ce qu’on a pu dire à Matisse: « Ta colombe, c’est facile pour toi », mais lui répond: « ce dessin m’a pris 30 ans ». Moi j’étais gaucher contrarié donc j’ai beaucoup dessiné. Le dessin, c’est essentiel, là je reviens de Corée, où j’ai exposé mes tableaux. Ma vie de plasticien est fondamentale, parce que ma vie de styliste et de créateur, c’est une vie dans laquelle je réponds à des questions, sur l’esthétique, sur le commerce, le marketing, comment toucher les gens, sur le confort, sur la sensualité. Alors que dans ma vie de plasticien, je pose des questions, dans ma dernière exposition, j’ai beaucoup travaillé sur la globalisation.
J’étais en pension à l’âge de six ans dans un village où il pleuvait tout le temps, donc très vite, la peinture est devenue mon ami. Dans la salle à manger de ce château il y avait des blasons aux couleurs primaires… Je les ai fait miennes. Ce qui est assez touchant, c’est quand Petit Bateau a buzzé sur Internet, en mettant trois couleurs primaires et en disant « Quel est le créateur que nous avons invité la saison prochaine ? Cette saison utilise ces trois couleurs, qui est-ce ? », il y a eu 800 réponses, c’est JC de CASTELBAJAC Paris. C’est mystérieux qu’une marque puisse être identifiée à trois couleurs. C’est le début de tout ces trois couleurs, dès que je les vois, je suis bien.
Vous avez eu un énorme coup de cœur pour « Presque l’Amour », pourquoi avez-vous choisi ce groupe pour mettre en musique la collection capsule ?
Dans chaque projet, il y a plusieurs composantes : il y a les collections, il y a l’économie, il y a la fête, il faut toujours une fête qui ait du sens. Là c’était au musée de la Marine. Petit Bateau, c’est une jolie marque, qui, pour moi doit participer à la révélation, on aide une jeune génération à décoller. Ça c’est une chose que je fais régulièrement, dans tous mes défilés. J’ai donc demandé au groupe, Presque l’Amour, pour lequel j’avais eu un coup de cœur, d’écrire une chanson sur Petit Bateau. C’est donc l’histoire d’une jeune fille qui hésite sur la tenue de son rendez-vous. Créer, c’est révéler, c’est aussi aller ailleurs, c’est aussi aller sur le web, changer. C’est un peu une révolution que l’on peut voir avec Presque l’Amour. Les marques, généralement prennent des titres, des lettres épines, vous voyez ce que je veux dire, pour illustrer leurs parfums… Là, on a vraiment demandé une création. »
La collection JC de CASTELBAJAC Paris x Petit bateau est disponible à partir du 19 Octobre 2015.