Une fille, un style : Aurélia Stouls


Crédits : Stouls
Pour nous, l’élégance, c’est ? Un pantalon Stouls en cuir vert gazon. Un pull noir oversized, en cachemire de préférence, et des bottes. De belles matières, des couleurs, des vêtements que l’on a envie de porter sans réfléchir. Une fille, un style : Aurélia Stouls. La créatrice imagine des pièces seconde peau en cuir lavable. Des créations innovantes, techniques et précieuses qui ont du style. Rencontre.
Pourquoi vous êtes vous tournée vers cette matière qu’est le cuir ? Où avez-vous trouvé cette idée de cuir lavable ?
Je dirais que tout est parti de la matière. J’ai dessiné des chaussures pendant plus de 15 ans. Ce qui m’a apporté une affection particulière, une attraction pour la peau, le cuir, la fourrure. Ce n’est pas l’idée du cuir lavable, j’ai voulu mettre sur le marché un produit qui n’existait pas. C’est-à-dire un t.shirt en cuir, qui se devait d’être stretch pour être comme un jersey de coton. En tant que styliste de chaussures, j’avais fait beaucoup de bottes en cuir stretch. J’ai commencé à sourcer les fabricants de cuir stretch, mais il n’y en avait quasiment pas. Je me suis trouvée en contact avec le fils de celui qui a inventé ce cuir. Je lui ai dit qu’il fallait que je mette en place un procédé qui me permette de laver mon t-shirt en cuir à la machine. Parce qu’un t.shirt ne se porte pas au pressing, je devais trouver un mode opératoire pour le laver, comme un simple t.shirt en coton. Dans mon rapport à la manière dont j’utilise les objets, je porte les vêtements, j’aime les choses pérennes, les voir vieillir, comme le cuir qui se patine, se décolore.

Crédits : Aurélia Stouls
On dit de vos pièces qu’elles sont comme une seconde peau : le rapport entre le corps et la matière est-il important pour vous ?
J’aime l’idée que je vais acheter mon jean bleu marine et que sur mon corps à moi, mes fesses à moi, mes genoux à moi, il va y avoir des frottements, des usures, des trous, mais que cela sera avec mon histoire. Il y a tout cet attachement-là par rapport au produit que je fais. On a envie d’avoir des vêtements qui nous accompagnent, et c’est ce que je fais avec mes vêtements. Lorsque je porte un vêtement un peu dingue, travaillé, chiné ou acheté chez un créateur, la pièce de mon vestiaire cuir qui l’accompagne sera plus simple, plus épurée.
Quelles sont les personnes qui vous ont le plus inspiré au cours de votre parcours ?
Je dirais, de manière un peu cliché, ma mère ! Je reviens sur elle qui était une femme naturellement élégante au style singulière et personnelle. Petite fille, adolescente, jeune styliste, je ne disais pas, c’est ma maman qui m’inspire, pas du tout. Mais je me rends compte que cette maman, que j’ai perdue il n’y a pas très longtemps, a été à travers toutes les archives que j’ai une source d’inspiration. C’est une femme qui avait du style. Mes parents étaient des gens très farfelus dans leur manière de vivre. Je pense que je leur dois ma fantaisie naturelle, et mon éclectisme. J’ai appris à ne pas mettre un costume qui répond à l’endroit où vous allez. Bien entendu, c’est ma maturité de femme qui m’a appris ça. Pour moi, le vêtement est quelque chose qui traduit beaucoup qui nous sommes et comment nous nous sentons. Je trouve qu’il ne faut pas tricher avec ça, les vêtements sont importants. Chacun devrait faire comme il veut et comme il se sent.

Crédits : Aurélia Stouls
Pourquoi avoir choisi le nom de Stouls ?
C’est mon nom, c’est mon patronyme, je m’appelle Aurélia Stouls ! A l’époque, je ne savais pas du tout que j’allais créer une marque, aujourd’hui, j’ai créé une marque et je suis en train de la construire. Je voulais que les gens se disent « je veux mon Stouls de la saison », et le beau cadeau, c’est que cela se passe comme ça. Lorsque je suis passée en société il fallait que je trouve un nom, j’ai cherché et je ne trouvais pas. C’est dans le désert égyptien, avec un ami, qu’on a pensé à faire un acronyme. L’idée était bonne et nous avons trouvé ensemble, Société Très Originale Unique Luxueuse Simple. Mais les papiers administratifs l’ont transformé en Société Stouls ! J’aime mon métier, et le fait avec beaucoup de plaisir bien qu’il y ait beaucoup de difficulté à être chef d’entreprise ma quête est d’être dans le juste. Ce n’est pas de faire du beau, du chic ou du luxe, ce qui m’intéresse, c’est de faire un produit juste et qu’on a envie de porter sans réfléchir. Pour ma marque, avec mon éthique, mon idée, j’essaye de suivre ma ligne conductrice.

Crédits : Aurélia Stouls
En cette période de remise en question sur l’éthique animale, quel avenir entrevoyez-vous pour le cuir ?
Je peux uniquement parler de ma position, sans revendication politique. Je respecte et comprends totalement quelqu’un qui soit végétarien ou vegan. C’est le choix politique et philosophique, voire spirituel de chacun. Si on a une éthique vis-à-vis des animaux, pour moi, on l’a aussi bien pour le malheureux poulet de batterie que pour le malheureux vison. Quelqu’un qui est archi contre, je le conçois et je le respecte, mais moi, je ne suis pas là-dedans, je suis une épicurienne, qui mange de la viande. Si j’utilise de temps en temps des touches de fourrure anecdotique dans mes collections, c’est toujours de la peau lainée, de l’agneau retourné ou de la chèvre. La viande des animaux dont j’utilise les peaux pour mes collections est, contrairement à la fourrure, utilisée et consommée pour l’alimentation.

Crédits : Aurélia Stouls
Quelles sont vos nouveautés mode de cette saison ?
La couleur ! Chaque saison, une gamme de 25 couleurs. Ce fut une très belle découverte. Lorsque j’ai créé ce vestiaire, il était noir et blanc. La saison suivante, j’ai ajouté cinq couleurs. Et peu à peu, j’ai découvert que la couleur était un langage, je me suis rendue compte que l’on pouvait raconter des histoires avec une gamme. J’y ai découvert un immense plaisir, une grande curiosité, et un vrai mode d’expression. C’est en parallèle avec exigence de mon vestiaire. Je fais des collections très courtes, très serrées avec seulement 40/45 modèles chaque saison. Je n’ai pas besoin de faire des collections de 100 pièces, l’acheteur serait perdu et le consommateur final aussi. La couleur a un réel pouvoir. Vous étiez chic puis vous ne l’êtes plus, simplement en modifiant une couleur. Les couleurs amènent des formes ou inversement, c’est un jeu permanent, et chaque saison la recette est différente. Mon mode créatif change chaque saison.
Que peut-on vous souhaitez pour la suite ?
De continuer de grandir sur la bonne voie, dans le juste ! Car c’est très difficile dans ce monde saturé. On devrait tous faire le tri. J’aimerais aujourd’hui avoir une meilleure distribution aux Etats-Unis, et connaître du succès pour le lancement de la ligne de chaussures pour l’hiver prochain.