Les livres de l’été
Vous partez dans moins d’une semaine et votre valise n’en est même pas encore au stade embryonnaire. Ou peut-être si… Ce tout petit embryon, noyau dur de votre paquetage, que vous connaissez déjà : un livre, au moins un, parce qu’entre les enfants (ou pas), la plage, l’appel de l’eau, les longs dîners entre amis, les petites et les grandes soirées… le temps file aussi en vacances. Mais au moins un livre, le bon, celui qui ira avec le parfum du lieu et l’esprit du moment. Celui qui sera aussi ajusté que cette robe de l’été que vous allez bien finir par trouver pour la jeter dans votre valise… sur votre livre.
Face à l’immensité des livres sortis cette année, vous hésitez encore à choisir celui qui accompagnera vos journées ensoleillées ? Mademoiselle, aussi ! C’est pourquoi, elle a demandé un petit coup de pouce à Isabelle Chopin, directrice de HC Éditions, qui nous dévoile ici, une sélection d’ouvrages à glisser dans vos valises. Et puisque la course contre le temps s’arrête quand même un peu pendant les vacances, rien ne vous oblige de vous contenter des nouveautés, celles qui balaient les tables et les rayons des libraires et qui sont aussi nécessaires que mortifères pour les éditeurs, nous confie-t-elle. Bref, c’est aussi dans votre bibliothèque ou dans celle de votre bon libraire, que vous pourrez trouver le livre de votre été, celui à empaqueter, à déflorer, à corner, à tourner, à retourner, à mouiller, à tacher… puis à refermer.
LE CHOIX DE SOPHIE de William Styron
À lire sans maquillage, dans une crique isolée pour pouvoir pleurer et renifler seule, toute seule ! Ce livre est un tsunami, vous commencez par plonger dans une histoire d’amour de l’Amérique des années cinquante. Vous vous dites que vous aimez découvrir cette période légère et prometteuse, presque superficielle, dans un pays qui commence à imposer sa vision au monde. Vous ne savez pas que vous allez vous faire planter par les démons de la guerre et repartir là où tout a été décimé, les corps, les cœurs, les consciences et les âmes – même celles, comme Sophie, qui ont survécu.
« J’ai fait la bêtise de finir ce livre sur un bateau, impossible de m’isoler. Ma belle fille, que j’adore et qui devait alors avoir 8 ans, ne comprenait pas pourquoi un livre pouvait me faire pleurer autant. J’arrivais tout juste à parler entre mes yeux et mon nez qui coulaient et j’ai essayé de lui expliquer avec des mots choisis qui n’ont pas suffi. Elle voulait lire pour comprendre. Je lui ai dit que c’était trop tôt, mais je lui ai promis que je lui offrirais Le Choix de Sophie pour ses 18 ans… »
ET JE DANSE AUSSI d’Anne-Laure Bondoux et Jean-Claude Mourlevat
À lire sur un transat avec du monde au tour, à lire à haute voix, même, si vous voulez faire partager ce plaisir comme on partage une glace. L’histoire de l’histoire – et c’est vrai – c’est qu’un auteur (Jean-Claude Mourlevat) a envoyé un jour un mail à un autre auteur (Anne-Laure Bondoux), qui lui a répondu. Puis lui, puis elle et ainsi pendant six mois. Ils ne se voient pas, ne se parlent pas, n’ont rien prévu d’avance, mais ils ont fini par écrire une histoire géniale. Le pitch : un auteur très connu envoi un mail à une admiratrice, pour la remercier de lui avoir envoyé un manuscrit, mais il est lui-même en mal d’écriture et n’a pas le temps de lire la prose des autres. Il voudrait son adresse pour lui renvoyer son enveloppe, qu’il n’a d’ailleurs pas ouverte. Elle lui répond en le remerciant de lui avoir accordé ce temps si précieux et ces quelques mots, mais elle affirme qu’elle n’est pas une lectrice comme les autres et que s’il veut savoir pourquoi, il peut ouvrir cette enveloppe…
À la manière d’un cadavre exquis, ces deux auteurs ont réussi à construire une histoire avec une telle profondeur et une telle fraîcheur, un véritable suspens même, qu’on se demande si ça n’était tout de même pas un peu prémédité. Mais j’ai demandé confirmation à la très grande éditrice de chez Fleuve… et non ! Rien n’a été prémédité : tout s’est passé comme écrit sur les deux, très originales, pages de garde. C’est jubilatoire.
LA FORMULE DE DIEU de José Rodrigues Dos Santos
À lire dans un endroit suffisamment calme pour pouvoir se concentrer, car il y a quelques passages de physique à absorber et quelques vraies révélations à digérer… Et si Einstein avait réussi à prouver l’existence de Dieu ? La question paraît tellement simple, presque évidente… elle n’est pourtant absolument pas innocente. Car aujourd’hui, il n’y a pas un scientifique s’intéressant à l’origine de l’univers qui ne se pose la question de l’existence de Dieu. Et plus les recherches avancent, plus les découvertes déplacent les limites de la connaissance, plus l’idée de l’existence d’une « volonté » suprême qui serait à l’origine de l’humanité s’impose. La grande force de JR Dos Santos est de savoir nous expliquer très simplement où en est la science aujourd’hui et quelles sont les questions qu’elle se pose sans jamais vraiment oser l’avouer… Que l’on soit croyant ou pas, on ne peut qu’être bluffé, voire bouleversé.
« Lorsque j’ai travaillé sur ce manuscrit, j’ai ressenti quelque chose de très simple aussi : j’étais pressée. Pressée d’avancer, pressée de terminer, pressée de voir le livre publié et dans les mains des autres pour pouvoir en parler… Je pense que c’est un bon indice de succès. La Formule de Dieu a été notre premier best-seller, un raz-de-marée qui a balayé l’été 2012 et qui continue encore aujourd’hui d’éclairer tous ceux qui sont un peu curieux. »
COSPLAY de Laurent Ladouari
À lire à la fin des vacances, juste avant de repartir au travail, pour se remettre en condition et regarder son job autrement. Ce livre n’est pas classable. Ça n’est pas seulement un roman, ça n’est pas vraiment de l’anticipation. Ca parle de notre futur avec les mots et les références bien ancrés dans notre culture. Ça parle d’hommes, de femmes et d’entreprises, ça parle de démocratie et de super-héros fabriqués dans des écoles extraordinaires. C’est Alexandre Dumas qui aurait écrit Harry Potter. C’est un club, un club toujours ouvert, de tous ceux qui l’ont lu et tout de suite aimé Katie, Tancrède et Julien et qui ne veulent plus qu’une chose : les retrouver.
« Ce livre n’a pas encore rencontré le succès que l’on espérait (bien que 4000 exemplaires pour un premier roman, c’est déjà très bien). Mais je suis très fière de l’avoir édité et très excitée de voir la suite sortir bientôt en librairie… car je suis persuadée que c’est un phénomène que nous sommes entrain de construire. »
UN ROMAN FRANÇAIS, de Frédéric Beigbeder
À lire avec un café sur la plage de Guétary… ou en face de l’océan, n’importe où ailleurs… ou devant la mer, pourvu qu’il y ait un horizon… Un Roman français, c’est la face solaire de Beigbeder. Il donne à lire son histoire, qui, même singulière, est celle de tous ceux qui osent un jour regarder la leur. C’est une enfance dorée, mais pas que, c’est une enfance privilégiée, puis plus, ce sont deux frères qui vivent comme ils le peuvent le divorce de leurs parents. C’est l’histoire d’un petit frère qui se construit à l’ombre du grand, un peu étouffé, mais toujours émerveillé. L’écriture est aussi maîtrisée que l’analyse est fine et humaine. C’est de la haute couture.
« Vous avez remarqué à quel point le mot bienveillance est à la mode aujourd’hui ? Pas un ami qui ne le glisse dans une conversation, un journaliste dans un article ou une personnalité dans un discours. C’est le mot du moment, peut-être même le besoin du moment, une douceur dans le regard de l’autre, comme un paradis perdu. Et bien Frédéric Beigbeder et son Roman français sont pour moi un summum de bienveillance. Étrange non ? Et pourtant… »