La mode au plat pays

Photographie : Cédric Charlier
La Belgique. Evidemment, en tant que Française et Parisienne de surcroît des clichés insubmersibles me viennent à l’esprit. Mais aujourd’hui, ces clichés s’effacent au profit de la Création. Car Création il y a et pas des moindres. Un vrai vivier de jeunes talents, aux ciseaux acérés, à l’aiguille prête à dégainer, aux crayons sacrément bien taillés s’est emparé des podiums parisiens depuis une trentaine d’années et n’est pas prête à en bouger. Petit tour d’horizon sur une génération visionnaire.
Il faut savoir que la tradition textile ne date pas d’hier et que déjà au Moyen-Age les drapiers de Flandres faisaient beaucoup parler d’eux avec des savoir-faire d’une grande innovation et des teintures d’une grande richesse. C’est le début des années 80 qui va écrire l’histoire de la mode Belge telle qu’on la connaît aujourd’hui. Puisque six têtes d’affiche baptisées ‘les 6 d’Anvers’ vont s’associer pour chambouler les podiums et les faire vibrer grâce à une audace et un avant-gardisme jamais vu auparavant. Walter Van Beirendonck, Dries Van Noten, Dirk Bikkembergs, Marina Yee, Ann Demeulemeester et Dirk Van Saene, tous diplômés de la section mode de l’Académie royale des Beaux Arts d’Anvers inventent et transportent le style Belge à travers le monde.
Aujourd’hui, le paysage Belge compte un bon nombre de créateurs au succès foudroyant. Tantôt épuré, rigoriste, avec des couleurs primaires confrontées à des blancs polaires et des noirs ténébreux, tantôt avec un sens de l’humour, du décalage et de l’originalité à en pleuvoir mais toujours avec un sens acéré de la consistance et de la qualité, la créativité ne connaît pas de limites mais se reconnaît à l’œil nu.
Car, même si tous se retrouvent par leur racines, le style Belge est difficile à résumer, tant la palette de talents s’étend : de la féminité forte de Véronique Leroy, à la folie créative de Martin Margiela, à la sensualité sombre d’Olivier Theyskens, à l’élégance sobre de Véronique Branquinho, au sexy structuré d’Anthony Vacarello et à la versatilité architecturale de Cédric Charlier.
La mode Belge ne fait pas de bruit et avance sans effusion. Elle est là, bien présente, mais préfère laisser aux autres la publicité à outrance, le délire créateur star, la démultiplication des points de ventes et les produits griffés pour se concentrer sur son histoire.Celle qui sait se faire remarquer quand déjà trop de marques se mettent sous les feux de la rampe, a ébloui lors de cette dernière Fashion Week avec une collection inspirée du film de Claude Chabrol, « La Cérémonie ». Sous ses airs bon chic bon genre, la silhouette Leroy pour l’hiver prochain sera soignée, bourgeoise avec cette éternelle structure extrêmement moderne, presque futuriste.
« C’est un pays qui regorge de surprises », lance Cédric Charlier. « C’est un pays tellement petit. On a l’impression qu’il n’y a rien, qu’il faut tout créer. (…) Ca pousse à être imaginatif », analyse le couturier. « Il y a une liberté d’expression là-bas qu’il n’y a pas à Paris (…) où le passé de la couture influence la suite. En Belgique, chacun trouve sa voie. » A croire que la Belgique réserve encore de jolies pépites, une chose est sûre, la mode du plat pays est faite pour durer.